La cathédrale de Reims vue d’en haut : une expérience unique

La cathédrale de Reims vue d’en haut : une expérience unique

Éblouissement garanti lors de la visite guidée des parties hautes de Notre-Dame de Reims. Commencée en 1211, la cathédrale gothique actuelle s’inscrit dans une lignée d’édifices plus anciens bâtis sur le même site dès le Ve siècle, là où Clovis fut baptisé par saint Remi. Elle a fêté ses 800 ans en 2011 et demeure le monument emblématique des sacres royaux.

Plus qu’une simple église de Reims, Notre-Dame est le véritable symbole religieux et politique de la ville. Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO avec le Palais du Tau et la basilique Saint-Remi, elle incarne à la fois la puissance spirituelle de l’archevêché et la mémoire nationale des sacres royaux.

La montée vers ses hauteurs permet d’embrasser l’édifice sous un angle rare, de découvrir des détails invisibles depuis le sol et de mesurer l’ingéniosité des bâtisseurs du Moyen Âge comme des restaurateurs du XXᵉ siècle.

Avant de monter : l’histoire en bref (pour lire le monument)

  • Une filiation de bâtisseurs. Quatre maîtres d’œuvre se succèdent au XIIIᵉ siècle : Jean d’Orbais, Jean-le-Loup, Gaucher de Reims et Bernard de Soissons. Leurs noms, gravés autrefois dans le labyrinthe du dallage, ont transmis la mémoire du chantier.
  • Un sanctuaire des sacres. Le baptême de Clovis par saint Remi (vers 498) a fait de Reims la « cité des sacres ». Pendant près d’un millénaire, la quasi-totalité des rois de France y reçoivent l’onction.
  • Les grandes cotes à garder en tête. Environ 149 m de long ; ~38 m sous voûte ; tours ~83 m ; point culminant à ~87 m (clocher à l’Ange).

La montée vers les hauteurs

Un escalier mythique de 249 marches

L’aventure commence en empruntant l’escalier en colimaçon de la tour sud, qui compte pas moins de 249 marches. L’ascension permet d’accéder à la plate-forme située à 80 mètres d’altitude, entre les deux tours inachevées. Leur construction fut interrompue par un incendie en 1481, les privant des flèches qui auraient dû les faire culminer à 120 mètres. Sur la terrasse entre les deux tours, on perçoit toute la logique de la façade, avec sa grande rose, ses portails à gables et sa galerie de 58 rois qui encadre le groupe central du baptême de Clovis.

Les bourdons de la tour sud

La tour sud abrite deux bourdons impressionnants : Charlotte, offerte en 1570 par le cardinal Charles de Lorraine (près de 10 tonnes, 2,5 mètres de diamètre), et Marie, fondue en 1849 (près de 7 tonnes, 2,2 mètres de diamètre). Dans la tour nord, on peut observer les vestiges de cloches fondues lors de l’incendie de 1914.

Le labyrinthe « retrouvé » des maîtres d’œuvre

Sur la terrasse, une reconstitution rappelle le labyrinthe médiéval détruit au XVIIIᵉ siècle. C’était un tracé symbolique, hommage aux architectes du chantier : Jean d’Orbais (chevet), Jean-le-Loup (portails nord), Gaucher de Reims (voussures et portails ouest), Bernard de Soissons (grande rose). Aujourd’hui, ce dessin « remonté » en hauteur donne un fil narratif à la visite.

Ce qu’on voit depuis là-haut

Un atlas à 360° pour lire Reims

  • Au nord : la vieille trame commerçante autour de Saint-Jacques.
  • Au sud-est : la basilique Saint-Remi et son abbaye, où repose le saint évêque et où se rattache la mémoire de la Sainte Ampoule.
  • Au sud : la Montagne de Reims et ses coteaux classés, toile de fond des vendanges.
  • À l’ouest : la médiathèque Jean-Falala et, au-delà, le plan de reconstruction Art déco qui a donné sa ligne à Reims après 1918.

Les pignons du transept, vus de près

En surplomb, on lit les grands reliefs dédiés à la Vierge :

  • Au sud, l’Assomption, où Marie s’élève vers le ciel portée par des anges dans un mouvement ascendant.
  • Au nord, l’Annonciation, où l’archange Gabriel (l’Ange Gabriel) s’incline devant Marie, au milieu d’une profusion de fleurs de lys.

Ces deux « tableaux » en pierre rythment la silhouette de la cathédrale et dialoguent avec la ville.

Détails à ne pas manquer pendant la visite

La galerie des rois : Le baptême de Clovis mis en scène

En parcourant la galerie du Gloria puis la galerie des Rois, le regard est happé par le groupe central de statues qui représente le baptême de Clovis par saint Remi. Cette scène fondatrice de l’histoire de France est entourée par une assemblée de 58 statues royales, témoin de l’importance du sacre des rois à Reims. Chacune de ces sculptures de calcaire pèse 8 tonnes et mesure 4,60 mètres.

Un bestiaire et des personnages insolites

Au fil de la visite, d’autres sculptures plus confidentielles se dévoilent : gargouilles, chimères, mascarons… Sur les corniches et dans les moindres recoins, les artisans du Moyen Âge et des restaurations successives ont laissé libre cours à leur créativité, réalisant un bestiaire fantastique et des personnages parfois énigmatiques comme cette femme assise sur une poêle ou cette laie allaitant ses petits.

La crête faîtière et la statue de l’Ange

Au plus haut de l’édifice, la crête faîtière déploie une frise où alternent trèfles et fleurs de lys, symboles de la royauté. Détruits à la Révolution, ces ornements furent rétablis lors de la reconstruction des années 1920.

Le clocher à l’Ange

L’Ange du Seigneur, haute de 1,90 m et réalisée en métal doré, domine la ville depuis 87 mètres de hauteur. Cette statue de cuivre recouverte de dorures était un repère visuel essentiel pour les pèlerins et les voyageurs du Moyen Âge. Déposée en 1860, la statue originale est aujourd’hui conservée au Palais du Tau.

La charpente de Deneux : un laboratoire d’ingénierie au-dessus des voûtes

La cicatrice de 1914

Si les sculptures ont traversé les siècles, la charpente d’origine a quant à elle été détruite par un incendie le 19 septembre 1914, comme le rappellent les vestiges de cloches fondues présentés dans la tour nord. Après des années de conflits qui virent la cathédrale subir plus de 400 bombardements, il fallut toute l’ingéniosité de l’architecte Henri Deneux, aidé par les dons généreux de la fondation Rockefeller, pour faire renaître ce chef-d’œuvre.

Un « Meccano » de béton armé préfabriqué

Au lieu de replanter une « forêt » de chêne, l’architecte Henri Deneux choisit l’innovation : une charpente en éléments préfabriqués de béton armé, légers, emboîtés et chevillés comme un jeu de construction. Cette solution, pensée après les recherches sur le ciment armé menées à Reims à la fin du XIXᵉ siècle, est ininflammable, réparable et démontable au besoin.

Un volume caché de près de 19 mètres

Au-dessus des voûtes, la « nef cachée » dessine un espace haut d’environ 19 m, épousant la courbure gothique. C’est là que la visite des parties hautes prend tout son sens : on côtoie les croisées d’ogives du XIIIᵉ siècle, on comprend la relation entre nef, transept et chœur, et l’on mesure l’intelligence des renforts posés au XXᵉ siècle.

La reconstruction, un effort international

Au lendemain de la guerre, la cathédrale bénéficie d’un puissant élan de mécénat, notamment américain. Les campagnes de presse et les dons structurés permettent de rouvrir solennellement l’édifice dans les années 1930. Le chantier des toitures en plomb rétablit aussi la crête ornée de fleurs de lys et le clocher à l’Ange.

Regarder, écouter, ressentir : un guide sensoriel en 6 points

  1. Lumière : vise la fin d’après-midi pour des reliefs plus lisibles et des vues dorées sur les toits.
  2. Vents : en terrasse, l’air peut être vif ; prévois coupe-vent et chaussures stables.
  3. Sons : si tu entends le beffroi, tends l’oreille : le grave des bourdons « porte » jusqu’au parvis.
  4. Textures : observe de près le grain de la pierre calcaire (statuaire) et la peau minérale de la charpente Deneux.
  5. Repères : aligne la basilique Saint-Remi avec la Montagne de Reims pour comprendre l’implantation de la ville.
  6. Photographie : un 35–50 mm capte bien les façades ; en panorama, serrer l’horizon évite les déformations. Les détails sculptés passent mieux en lumière rasante.

Vitraux : le dialogue du temps

  • Moyen Âge : des verrières historiques ponctuent chœur et transept, tissant le programme marial.
  • XXᵉ siècle : Marc Chagall crée en 1974 trois grandes baies dans la chapelle axiale ; leur bleu profond se lit particulièrement bien depuis les tribunes.
  • XXIᵉ siècle : Imi Knoebel conçoit en 2011 des vitraux contemporains, preuve que la cathédrale reste un atelier vivant.

Repères essentiels (pour préparer la visite)

  • Visite libre de la cathédrale : l’accès à l’intérieur de la cathédrale est gratuit et libre toute l’année, en dehors des horaires d’offices religieux.
  • Visite guidée des tours : l’accès aux parties hautes est uniquement possible en visite commentée, via un escalier en colimaçon de 249 marches.
  • Durée indicative : environ 1 h 15 à 1 h 30.
  • Accessibilité : les parties hautes ne sont pas adaptées aux personnes à mobilité réduite et la visite est déconseillée en cas de vertige.
  • Dimensions : longueur totale ~149 m ; nef sous voûte ~38 m ; tours ~83 m ; clocher de l’Ange ~87 m.
  • Vitraux modernes : Marc Chagall (1974) dans la chapelle axiale ; Imi Knoebel (2011) dans plusieurs baies.
  • Propriété : comme la plupart des cathédrales construites avant 1905, Notre-Dame de Reims appartient à l’État.
  • À faire absolument : le Palais du Tau (régalia, sculptures originales, Ange du clocher) et la basilique Saint-Remi (tombeau du saint, mémoire du baptême et de la Sainte Ampoule).

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